Quatre fois plus de services pour la même facture

Les aînés le répètent : ils préfèrent vieillir à domicile et y recevoir leurs soins. L’expansion de ces soins à domicile vient toutefois avec une imposante facture pour l’État. Que faire ?

Francis Vailles, La Presse
October 2, 2024

Bonne nouvelle, une équipe de chercheurs chevronnés a fait d’intéressants constats sur la question. Et elle a découvert que le Québec pourrait quadrupler le soutien à domicile aux aînés dans le besoin pour une facture publique qui, d’ici quelques années, s’annonce équivalente à la projection du statu quo actuel.

L’étude publiée lundi a été réalisée par l’équipe de Pierre-Carl Michaud, de HEC Montréal, avec le Dr Réjean Hébert⁠1. Elle a le grand avantage de s’être basée sur une série de données fines qui permettent de bien chiffrer les coûts et les avantages directs des différentes options.

Les chercheurs sont partis d’un constat inéluctable : avec le vieillissement important de la population, il faudra doubler le nombre de places dans les CHSLD ou les maisons des aînés (de 38 000 à 75 700) d’ici 2040, soit dans une quinzaine d’années. Sans ce doublement, on se dirige vers des problèmes sociaux majeurs.

Or, les places dans de tels établissements coûtent si cher à l’État (jusqu’à 153 000 $ par année) qu’il serait plus rentable d’en restreindre l’accès en incitant les aînés à rester à la maison grâce à des soins largement bonifiés.

Par soins, on entend ceux qui sont exigés pour les activités quotidiennes et domestiques (se nourrir, se laver, gérer son budget, etc.), de même que les soins infirmiers.

Pour y arriver, d’importants changements seraient nécessaires. D’abord, les places en CHSLD et en maison des aînés seraient strictement réservées aux seuls cas très lourds (cotés 10 ou plus sur l’échelle de 14 du modèle Iso-SMAF). Il s’agit souvent de personnes atteintes d'Alzheimer avancé.

En revanche, les aînés à domicile en perte d’autonomie significative verraient multiplier par quatre les soins prodigués à la maison, ce qui éviterait de les transférer en institution. Par exemple, le nombre d’heures de services financés par l’État passerait d’une moyenne de 2 heures 25 minutes par semaine actuellement à 9 heures 40 minutes. Et ce serait 21 heures 30 minutes pour certains cas lourds.

Avec leur modèle, les chercheurs ont voulu déployer une offre de services différente de celle du modèle actuel mais avec le même budget, essentiellement.

Dans le cas du statu quo, la facture de l’État passerait de 7,3 milliards aujourd’hui à 16,2 milliards en 2040 (dollars constants de 2023). Compte tenu du vieillissement, le statu quo implique un bond de 99 % des places en CHSLD (donc le double). Les soins à domicile seraient plafonnés au niveau actuel, comblant 11 % des besoins.

Avec leur proposition, le système ne coûterait guère moins (15,7 milliards), mais il rendrait service à une part bien plus importance de la population.

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